Analyse du SNPHPU relative aux PUI, pharmaciens et vaccins

Article créé le
01/02/2021
-
modifié le 01/03/2022

COMMENTAIRES SUR LA PLACE DES PUI DANS LA  POLITIQUE VACCINALE ET LE ROLE DU PHARMACIEN HOSPITALIER

 

 

  1. LES STRUCTURES VACCINALES :

 

            Les centres de vaccination " Covid " ne constituent pas des structures sanitaires au sens de l'organisation de notre système de santé.

            Si doivent être considérées comme structures sanitaires les CeGIDD ou les centres de vaccination antimalarile par exemple, c'est notamment sur la base d'une autorisation délivrée par le DG de l'ARS (respectivement D. 3121-23 et R. 3115- du CSP).

            Les centres de vaccination " Covid " ne relèvent par contre pas de l'autorité sanitaire (ARS) mais du représentant de l'Etat dans le département (Préfet). Le DG ARS ne dispose que d'une compétence consultative dans la création des centres.

            De la même manière, la localisation géographique du centre de vaccination " Covid " est indifférente à l'organisation sanitaire classique. Le fait qu'un centre de vaccination " Covid " soit placé au sein des locaux d'un établissement de santé n'a pas vocation à en faire une structure hospitalière. Les relations entre le centre de vaccination " Covid " et la PUI ne peuvent donc en aucun cas être analysées par assimilation avec ce qui existe au sein d'un établissement de santé.

            Il en est de même des personnes vaccinées. Celles-ci ne relèvent d'une quelconque forme de prise en charge par l'établissement de santé siège de la PUI autorisée. Les liens habituels entre les malades pris en charge par l'établissement de santé et la PUI n'ont pas de traduction dans l'organisation de la campagne de vaccination en cours.

            Faute de lien entre la structure vaccinale, les personnes vaccinées (et même le personnel du centre) et le pharmacien, les notions classiques de délivrance, dispensation, reconstitution, mise à disposition (même fonctionnelle) de personnels ne peuvent et ne trouvent à s'appliquer.

            Par contre la mise en place d'une structure de vaccination " intrahospitalière " (via le service de santé au travail pour les personnels ou l'EHPAD de l'établissement) relève des liens habituels entre les structures de l'établissement de santé et sa PUI.

 

  1. LES VACCINS ET AUTRES PRODUITS :

            D'une manière générale " A la demande du ministre chargé de la santé, l'agence procède à l'acquisition, la fabrication, l'importation, le stockage, le transport, la distribution et l'exportation des produits et services nécessaires à la protection de la population face aux menaces sanitaires graves " (L. 1413-4 du CSP). S'agissant des vaccins en cause, l'article 53-1 du décret n° 2020-1310 dispose que " Les vaccins sont achetés par l'Agence nationale de santé publique. Leur mise à disposition est assurée dans les conditions prévues au présent article, à titre gratuit. ". Rien n'indique donc que ces vaccins restent la propriété de l'Etat (au mieux en fait l'ANSP). Par contre la notion de mise à disposition emporte avec elle la notion de transfert de propriété, même si cette mise à disposition s'effectue à titre gratuit.

 

            On imagine en effet assez mal l'hypothèse inverse. Cela voudrait alors dire que la conservation et la distribution à l'utilisateur final se ferait via une PUI dont l'établissement de rattachement ne serait pas propriétaire de ces vaccins. De même ceux qui revendiquent une intervention de la PUI (à type de préparation des doses à administrer p. ex.) se placeraient alors dans une situation de sous-traitance à l'égard du propriétaire. Il n'y a pas à ce jour de convention entre l'ANSP et certains établissements de santé pour que ceux-ci agissent au nom de l'ANSP. Quant à des fonctions comme la décongélation, la reconstitution voire la préparation des doses, elles ne sont bien sûr pas de la compétence de l'ANSP.

 

            On comprend donc aisément que si les vaccins restent la propriété de l'ANSP, le pharmacien devra disposer d'une autorisation avant de " transformer " ces médicaments. Le transfert de propriété n'est pas quelque chose de nouveau, au regard notamment de l'article L.6145-10-1 : " Par dérogation aux articles L. 1121-2 et L. 1121-3 du code général de la propriété des personnes publiques, les dons et legs faits aux établissements publics de santé sont acceptés ou refusés librement par le directeur. ".

 

            Ce transfert de propriété constitue d'ailleurs un préalable à la possibilité de fournir des vaccins à certaines structures : " Par dérogation au II de l'article L. 5126-10 du code de la santé publique, les établissements mentionnés au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, qui ne disposent pas de pharmacie à usage intérieur ou qui ne sont pas membres d'un groupement de coopération sanitaire ou d'un groupement de coopération sociale et médico-sociale gérant une pharmacie à usage intérieur peuvent conclure, avec le pharmacien gérant d'une pharmacie à usage intérieur et le représentant légal de l'établissement de santé dont relève la pharmacie, une convention relative à la fourniture de vaccins. ". La convention ne peut s'entendre que si tant le directeur (L. 6145-10-1) que le pharmacien gérant (comptable matière) ont acté que les vaccins sont devenus leur propriété.

 

            On retrouve dans cette situation un système voisin de celui que les pharmaciens connaissent déjà en matière d'essais cliniques. La mise à disposition des produits de santé, dont les médicaments, s'effectue de manière gratuite mais pour les " transformer " (reconstitution, mise sous une forme appropriée à l'administration, …..) le pharmacien doit disposer d'une double autorisation : celle liée aux activités de la PUI (R. 5126-9) et celle liée à la convention avec le promoteur fixant les prestations assurées par la PUI. Pour éviter ces complexités, l'acceptation des vaccins sous forme de don et le transfert de propriété qui en résulte apparaît inévitable.

 

III LA PUI ET SES PERSONNELS :

 

            Dans le cadre de la campagne de vaccination l'article 53-1 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 pose pour premier principe que la mission de la PUI s'exécute par dérogation au I de l'article L. 5126-1 du CSP tout en conservant à la PUI une seule fonction d'approvisionnement des centres et équipes mobiles. Les autres règles applicables aux PUI semblent donc exclues dans ce cadre (réponse aux besoins pharmaceutiques des personnes prises en charge par l'établissement, gestion, vérification des dispositifs de sécurité, préparation, contrôle, détention, évaluation, dispensation, assurer la qualité). Ces dispositions s'appliquent depuis le 16 janvier 2021.

 

            Une activité de type " préparation des doses à administrer " apparaît donc très peu soutenue par un cadre réglementaire.

 

            Ce même article définit l'activité de la PUI comme une modification non substantielle qui relève du régime déclaratif prévu au I de l'article R. 5126-32.  Faute de précision suffisante, il n'est pas dérogé aux dispositions de ce I, dont son dernier alinéa : " A l'issue du délai de deux mois, en l'absence d'opposition motivée du directeur général de l'agence régionale de santé, la ou les modifications envisagées sont réputées autorisées. ". Ces dispositions sont opposables depuis le 27 décembre 2020. Une application stricte du droit emporte que les PUI ne peuvent donc assurer cette mission au mieux que le 27 février 2021.

 

            S'agissant des personnels, il y a lieu de constater qu'à ce jour aucune dérogation n'existe pour les personnels des PUI (pharmaciens et préparateurs en pharmacie hospitalière). En toute circonstance, notamment pour les préparateurs, le principe du contrôle effectif n'a pas été aboli. La campagne de vaccination actuelle ne dispose donc d'aucune règle particulière quant au fonctionnement et aux compétences des personnels, y compris leur niveau de responsabilité.

 

            Il convient d'avoir une analyse littérale du VI de l'article 53-1 : " Tout professionnel de santé, exerçant ses fonctions à titre libéral ou non, ou tout étudiant en santé, peut participer à la campagne vaccinale dans la limite de ses compétences en matière de vaccination telles qu'elles résultent des dispositions des quatrième et sixième parties du code de la santé publique. ". Contrairement à certaines analyses, la notion de " limite de ses compétences " doit se comprendre, comme cela est précisé, qu' en matière de vaccination. Il ne s'agit donc pas d'une compétence entendue de manière générique, mais uniquement dans le domaine de la vaccination. Cet alinéa ne peut donc servir de fondement à une quelconque validation de pratiques de nature dérogatoire.

 

            Le pharmacien apparaît donc dans une particulière insécurité juridique dans le cadre de la politique vaccinale mise en place. Les activités à type de " préparation des doses à administrer " apparaissent très mal encadrées quant à leur définition " juridique ". Il faut bien comprendre que ces activités s'adressent notamment à des personnes qui n'ont aucun lien avec les établissements de santé et sont mises en œuvre par des professionnels eux-mêmes potentiellement sans lien avec un établissement de santé (médecins, infirmiers, …… libéraux). Le raisonnement et les pratiques dans le cadre de l'activité régalienne des PUI au bénéfice des patients pris en charge par l'établissement de santé ne peuvent être transposés sans une extrême réserve.

 

            Le pharmacien qui voudrait aller au-delà de la fonction d'approvisionnement prévue par les dispositions en vigueur se place dans une situation dangereuse :

  1. il va au-delà de la fonction approvisionnement, seule autorisée et prévue par les textes ;
  2. il délivre un médicament reconstitué qui sera administré à des personnes qui ne sont pas des malades (ce qui de facto emporte l'impossibilité d'utiliser la notion de préparation magistrale ou hospitalière puisque ces personnes ne sont pas des patients), qui n'ont aucun lien avec un établissement de santé et qui n'ont d'ailleurs pas donner leur accord pour une " reconstitution " hors du centre de vaccination autorisé ;
  3. forme, vis-à-vis du fabricant, une situation complexe où un intervenant extérieur a modifié la présentation du vaccin (il serait bien sûr facile pour le fournisseur de restreindre tout ou partie de sa responsabilité)
  4. se trouve dans une situation inédite en matière de responsabilité (en cas de mise en cause l'établissement de santé pourrait évoquer un pratique non autorisée) voire même vis-à-vis de sa propre protection (RCP p. ex.) puisqu'ayant réalisé, ou fait réaliser sous sa responsabilité, un acte hors de toute définition réglementaire.

 

 

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