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Décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne sur les logiciels d'aide à la prescription ( LAP)

Article créé le
18/12/2017
-
modifié le 18/12/2017

LUXEMBOURG, 7 décembre 2017 (APMnews) 

 

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a estimé jeudi que les logiciels d'aide à la prescription (LAP) constituaient des dispositifs médicaux au sens du droit de l'UE, ce qui rend ainsi superflue la procédure française de certification des logiciels médicaux sous l'égide de la Haute autorité de santé (HAS).

Sollicitée par APMnews jeudi, la HAS n'était pas en mesure de réagir dans l'immédiat à la décision de la Cour.


La CJUE avait été saisie en juin 2016 d'une question préjudicielle par le Conseil d'Etat dans le cadre d'un recours du Syndicat national de l'industrie des technologies médicales (Snitem) et de Philips France engagé en janvier 2015 sur un décret d'application de la loi "Bertrand" sur le médicament (cf APM VG9O8I3CP).

Le décret du 14 novembre 2014, pris en application de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé de décembre 2011 et d'une loi d'adaptation au droit de l'UE dans le domaine de la santé de février 2014, a fixé les modalités de l'obligation de certification des logiciels d'aide à la dispensation (LAD) et des LAP, au plus tard à compter du 1er janvier 2015 (cf APM EHRKH005).
La procédure de certification est encadrée par la HAS, chargée notamment de définir les référentiels en la matière, rappelle-t-on.
Le Snitem et Philips France faisaient valoir que certaines dispositions du décret étaient contraires au droit européen en imposant une réglementation plus stricte. Ils soutenaient que certains LAP entraient dans le champ d'application de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux, dont l'article 4 interdit aux Etats membres "d'empêcher ou de restreindre la mise sur le marché ou la mise en service des dispositifs médicaux portant ce marquage CE".


Dans son arrêt, la CJUE considère qu'un logiciel "dont l'une des fonctionnalités permet l'exploitation de données propres à un patient, aux fins, notamment, de détecter les contre-indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives, constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical, au sens de ces dispositions, et ce même si un tel logiciel n'agit pas directement dans ou sur le corps humain".
La CJUE rappelle que, pour qu'un logiciel entre dans le champ d'application de la directive et soit considéré comme un dispositif médical, il doit satisfaire à "deux conditions cumulatives tenant respectivement à la finalité poursuivie et à l'action produite".
En premier lieu, un "dispositif médical doit être destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins, notamment, de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d'atténuation d'une maladie, ainsi que de diagnostic, de contrôle, de traitement, d'atténuation ou de compensation d'une blessure ou d'un handicap", rappelle la Cour.
La certification des LAD désormais en question.

A cet égard, la CJUE estime qu'un logiciel "qui procède au recoupement des données propres du patient avec les médicaments que le médecin envisage de prescrire et est, ainsi, capable de lui fournir, de manière automatisée, une analyse visant à détecter, notamment, les éventuelles contre‑indications, interactions médicamenteuses et posologies excessives, est utilisé à des fins de prévention, de contrôle, de traitement ou d'atténuation d'une maladie et poursuit en conséquence une finalité spécifiquement médicale, ce qui en fait un dispositif médical".
Cela exclut toutefois un simple logiciel d'archivage ou de stockage des données du patient, un logiciel se limitant à indiquer au médecin traitant le nom d'un générique du médicament envisagé, ou un "logiciel destiné à faire état des contre-indications mentionnées par le fabricant de ce médicament dans sa notice d'utilisation".


En second lieu, la CJUE observe que, sur la condition tenant à l'action produite, la directive n'exige pas qu'un dispositif médical "agisse directement dans ou sur le corps humain" pour être considéré comme tel.
Elle estime qu'il "importe peu que, pour être qualifiés de dispositif médical, les logiciels agissent directement ou non sur le corps humain, l'essentiel étant que leur finalité soit spécifiquement" à visée médicale.
Elle en déduit "qu'un logiciel dont l'une des fonctionnalités permet l'exploitation de données propres à un patient, aux fins notamment de détecter les contre-indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives, constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical, au sens [de la directive] et ce même si un tel logiciel n'agit pas directement dans ou sur le corps humain".
Si l'affaire portée devant la CJUE ne concernait que les LAP, les logiciels d'aide à la dispensation (LAD) des pharmaciens intègrent toutefois eux aussi certaines de ces fonctionnalités, lesquelles sont énumérées dans le référentiel de certification, note-t-on.


En conclusion, un tel logiciel, qui doit porter le marquage CE de conformité lors de sa mise sur le marché, peut alors "circuler librement dans l'Union sans devoir faire l'objet d'aucune autre procédure supplémentaire, telle une nouvelle certification", estime la CJUE.
Si un tel logiciel intègre plusieurs modules, seuls ceux qui répondent à la définition du dispositif médical sont tenus de faire l'objet du marquage CE.
La procédure devant le Conseil d'Etat va désormais se poursuivre, et devrait logiquement se traduire par une invalidation au moins partielle du décret sur la certification des LAP, compte tenu des observations de la CJUE.
(CJUE, arrêt n°C-329/16)