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Achats hospitaliers: Phare, une dynamique "positive" mais une efficience "incertaine" (Cour des comptes)

Article créé le
13/10/2017
-
modifié le 07/09/2018

PARIS, 12 octobre 2017 (APMnews) -

Le programme national de performance hospitalière pour des achats responsables (Phare) a engagé "une dynamique positive", mais son efficience économique s'avère "incertaine", estime la Cour des comptes, dans son rapport sur les achats hospitaliers, rendu public jeudi.
La Cour des comptes a établi ce rapport à la demande, en décembre 2014, de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) de l'Assemblée nationale (cf APM CB9OP2QDP). Pour réaliser son enquête, son premier président a institué une formation inter-juridictions commune à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (CRC).
L'enquête a porté plus spécifiquement sur un échantillon de 27 établissements, constitué en "prenant en compte des critères liés à la catégorie d'établissements et au montant des dépenses d'achat".
Après avoir décrit l'importance des achats hospitaliers (cf APM GDL7OXO2O4), la Cour se penche dans ce rapport sur l'efficience de la politique d'achat.
Porté par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) depuis fin 2011, le programme Phare "a engagé une dynamique positive en cherchant à inciter à une rationalisation et à une professionnalisation des achats hospitaliers", écrit-elle.
"Il s'est déployé progressivement selon une approche pragmatique fondée sur l'adhésion volontaire des établissements et le partage des bonnes pratiques", salue la Cour. Il "a impulsé une réelle approche collective", ajoute-t-elle.
Elle estime qu'il faut "poursuivre" cette mobilisation, "avec pour objectif principal une mise en place efficiente de la fonction achat au sein des groupements hospitaliers de territoire".
Pour cela, elle recommande de mettre en place un nouveau programme Phare pour la période 2018-2020, "avec pour objectif principal d'assurer la mise en place effective et efficiente de la fonction achat au sein des GHT [groupements hospitaliers de territoire] et en rendant obligatoire l'adhésion des GHT au programme".
Elle suggère aussi de "prévoir systématiquement des objectifs liés à la performance des achats dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens avec les établissements et les agences régionales de santé [ARS]".
La Cour appelle également à "faire participer" la DGOS aux instances de gouvernance des achats de l'Etat, afin de favoriser "les synergies" et "examiner la possibilité d'un pilotage par la direction des achats de l'Etat sur des segments d'achats communs".
Critiques sur l'indicateur "gains d'achat"

En revanche, dans le chapitre suivant, la juridiction critique l'efficience "incertaine" de Phare, plus particulièrement des "gains d'achat" qui sont fixés chaque année par la DGOS, et qui sont "fortement sollicités dans la construction de l'Ondam [objectif national des dépenses d'assurance maladie]".
L'indicateur "gain d'achat" est utilisé pour mesurer la performance des achats hospitaliers. "Dans ce cadre, le ministère a fixé des objectifs ambitieux et croissants de gains d'achat et a communiqué largement sur des montants en constante progression, passant de 172 millions € en 2012 à 423 millions € en 2015", rappelle la Cour.
"Mais les gains d'achat ne sont pas des gains budgétaires et sont estimés dans des conditions méthodologiquement très peu rigoureuses", dénonce-t-elle.
Elle explique donc que cet indicateur "présente d'importantes limites méthodologiques intrinsèques", "n'intègrent pas les pertes et sont estimés de manière prévisionnelle en début de marché".
La Cour pointe aussi "le biais de la valorisation" de ces gains par les hôpitaux.
"Alors que les gains qui ont vocation à être pris en compte par la DGOS sont les 'gains notifiés' (gains estimés lors de la passation du marché à partir du prix obtenu), il a été fréquemment constaté que les montants de gains d'achat déclarés par les hôpitaux et repris par la DGOS sont des 'gains identifiés' (c'est-à-dire des gains estimés avant l'acte d'achat sur la base d'un prix prévisionnel)".
"De tels gains sont, par nature, incertains, l'achat n'ayant pas encore été réalisé", déplore la Cour qui reconnait néanmoins que dans la nouvelle trame, "il est désormais possible de renseigner les gains identifiés, les gains notifiés et les gains réalisés".
La Cour note aussi des "biais dans le retraitement lors de la consolidation nationale", du fait du "double comptage" des gains issus de la mutualisation, par les établissements et par des groupements régionaux ou nationaux.
Des économies "largement virtuelles"

"Dès lors que ces gains d'achat ne se traduisent que partiellement par des économies effectives, sans que celles-ci soient au demeurant précisément mesurées", la Cour considère que leur prise en compte croissante dans les économies programmées chaque année sur l'Ondam hospitalier (505 millions € en 2017) "est purement artificielle".
"L'intégration d'économies en réalité largement virtuelles dans la construction de l'Ondam est particulièrement contestable", dénonce-t-elle vivement, en s'interrogeant donc sur "la réalité des économies effectivement réalisées" dans ce cadre, et en appelant à une "redéfinition" du dispositif d'évaluation de la performance de l'achat.
Suivi défaillant des achats mutualisés

La Cour critique enfin certains aspects de la mutualisation des achats, notamment un suivi "défaillant" des achats mutualisés et une mesure "rarement réalisée" de la performance par les établissements engagés dans un tel processus.
Les établissements "restent dans une grande méconnaissance des bénéfices retirés des achats mutualisés, alors même que les performances des différents groupements apparaissent très différentes", dénonce-t-elle.
Face à cette situation, elle recommande au ministère de la santé de "fiabiliser le mode d'établissement des gains d'achat et clarifier les conditions de leur prise en compte dans la trajectoire de l'Ondam hospitalier".
Elle lui suggère aussi de mettre en place dans les GHT, en complément de l'indicateur gain d'achat, des indicateurs de mesure de la performance de l'achat hospitalier, à partir de données budgétaires et comptables fiabilisées.
Elle conseille également d'"organiser et rendre systématique des parangonnages entre les groupements d'achats nationaux et régionaux, d'en rendre publique la méthodologie et en partager les résultats entre tous les opérateurs".
La Cour pointe par ailleurs, dans ce même chapitre, le manque d'efficacité du dispositif d'achat des médicaments (cf APM YB1OXNX7A).
"Les achats hospitaliers", Cour des comptes